Ou l'importance de ne pas négliger les définitions réglementaires.
Se prétendant transitaire et simple mandataire, un auxiliaire s’oppose au paiement de surestaries de conteneurs facturées par un transporteur maritime. Assigné, il se voit condamné tant en première instance qu’en appel.
Pour entrer en voie de condamnation, les juges relèvent notamment sa mention comme chargeur sur les connaissements. Ils en déduisent sa qualité de commissionnaire (agissant donc pour compte et en son nom), cocontractant du transporteur et débiteur du fret et de ses accessoires.
Cour D'appel De Saint-denis De La Réunion, 14 Novembre 2018, 17/00545
- Président: Fabienne KARROUZ, président
- Nature: ARRET
- Formation: Chambre commerciale
- Juridiction: Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
- Date: 2018-11-14
- Publication: 17/00545
-
ARRÊT N° 18/
FK
R.G : N° RG 17/00545 - N° Portalis DBWB-V-B7B-E2XG
SARL SOCIETE NOUVELLE TRANSIT AZELIE - SNTA -
C/
SAS CMA CGM
RG 1ERE INSTANCE : 16/00295
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2018
Chambre commerciale
Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS REUNION en date du 20 MARS 2017 RG n° 16/00295 suivant déclaration d'appel en date du 30 MARS 2017
APPELANTE :
SARL SOCIETE NOUVELLE TRANSIT AZELIE - SNTA -
21 rue Léon Lepervenche BP 51
[...]
R e p r é s e n t a n t : M e J é r ô m e B A C H O U , P l a i d a n t / P o s t u l a n t , a v o c a t a u b a r r e a u d e SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
SAS CMA CGM
Zac Belvédère - Boulevard des Mascareignes - CS 51041
[...]
R e p r é s e n t a n t : M e C é c i l e B E N T O L I L A d e l a S C P CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
CLOTURE LE : 19/02/2018
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 septembre 2018 devant la cour composée de :
Président : Madame Fabienne KARROUZ , Conseillère
Conseiller : Madame Fabienne ROUGE , Conseillère
Conseiller : Madame Cynthia ARICAT , Juge placée affectée à la cour d'appel par ordonnance de Monsieur le premier président
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 14 novembre 2018.
Greffier lors des débats : Madame Catherine MINATCHY , Adjoint administratif Principal.
Greffier lors du prononcé : Madame Nathalie BEBEAU , Greffière.
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 14 novembre 2018.
*****
LA COUR
EXPOSÉ DU LITIGE
La société CMA CGM transporteur maritime a saisi le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis d'une demande en paiement dirigée à l'encontre de la société SNTA sa créance ayant pour origine des factures de frais d'immobilisation « surestaries » et de frais de détention dans le cadre de la mise à disposition de conteneurs de transport.
Par jugement du 20 mars 2017 le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a condamné la société SNTA à payer à la société CMA CGM la somme de 19 399,74 € outre intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2016 et la somme de 2000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a débouté la société SNTA de sa demande reconventionnelle en paiement.
Le tribunal a estimé que la société SNTA était un commissionnaire de transport et qu'en sa qualité de chargeur elle était débitrice des prestations effectuées par le transporteur.
Par déclaration formulée par voie électronique le 30 mars 2017 au greffe de la Cour d'appel la société SNTA a relevé appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 04 décembre 2017 la société SNTA demande à la Cour de :
A titre principal :
— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
— débouter la partie intimée de toutes ses demandes;
— dire et juger qu'elle est un simple transitaire et non un commissionnaire;
— condamner la société CMA CGM à lui payer la somme de 19 605,93 € au titre de la demande reconventionnelle ;
— condamner la société CMA CGM à lui payer une somme de 3000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire
— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
— débouter la partie intimée de toutes ses demandes ;
— dire et juger que la société CMA CGM a commis une faute inexcusable et a engagé sa responsabilité pour faute le retard lui étant imputable ;
— condamner la société CMA CGM à lui payer la somme de 19 605,93 € au titre de la demande reconventionnelle ;
— condamner la société CMA CGM à lui payer une somme de 3000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions la SNTA fait essentiellement valoir :
— qu'en sa qualité de transitaire elle n'est que mandataire de son client ;
— que sa qualité de mandataire s'oppose à ce qu'elle soit débitrice des frais de détention et des surestaries afférentes ;
— qu'elle apparaît sur le connaissement non en qualité de chargeur mais en qualité de « shipper » donc en qualité d'expéditeur soit comme un transitaire simple ;
— qu'elle n'est liée par aucun contrat avec la CMA CGM ;
— qu'en sa qualité de transporteur CMA CGM impose ses conditions contractuelles et définit largement la terminologie « marchand » ce qui crée un déséquilibre flagrant et anormal entre les parties ;
* qu'en outre la CMA CGM impose des suspensions d'escales pour facturer par la suite des frais de détention aux transitaires lesquels ne sont dus que de son propre fait, ce qui constitue des man'uvres dolosives ;
* que les frais de surestaries sont directement liés au retard de transport maritime des propres embarcations du transporteur ;
* que la créance dont elle fait état correspond à la facturation de frais de magasinage qu'elle a dû acquitter, directement liés au retard des navires de la CMA CGM.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 25 août 2017 la société CMA CGM demande à la Cour de :
— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
— débouter en conséquence la société SNTA de toutes ses demandes fins et conclusions ;
— condamner la société SNTA à lui payer la somme de 3000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle réplique essentiellement :
* que ce qui est réclamé à la société SNTA sont des frais de détention (surestaries) qui lui ont été facturés à raison de la détention au delà du délai contractuel de franchise de 30 jours de conteneurs au départ du Port de la Pointe des galets et non les factures de fret qui elles ont été intégralement acquittées ;
— que contrairement à ce qu'elle soutient la société SNTA se voit confier par ses clients le soin d'organiser le transport de marchandises et de déménagements à destination principalement de Madagascar et qu'elle se charge d'effectuer en son propre nom et pour son propre compte auprès du transporteur les réservations des transports, la récupération des conteneurs mis à sa disposition à sa demande cette prestation étant une prestation accessoire au contrat de transport ;
— que la société SNTA exerce les activités inhérentes au commissionnaire de transport à savoir un prestataire qui s'engage à organiser et faire exécuter sous sa responsabilité et en son propre nom un transport de marchandises selon le mode de son choix pour le compte de son client commettant ;
— que la société SNTA est désignée en qualité de chargeur dans les connaissements produits et est liée en application de L 5422-1 par le contrat de transport, les surestaries étant en application de l'article R 5423-23 du code des transports considérés comme un supplément de fret , leur règlement incombe au chargeur ;
— que la société SNTA qui entretient des relations contractuelles avec elle depuis de nombreuses années n'a jamais contesté être personnellement débitrice des factures de fret de surestaries qui lui ont été adressées ;
— que le connaissement constitue la preuve du contrat de transport et contient conformément à la réglementation en vigueur les conditions générales de vente du transporteur ;
— que le montant des frais de détention/ surestaries a été dûment porté à la connaissance de la société SNTA ;
— qu'eu égard aux paiements intervenus le montant de la dette initiale a été ramené à 19 399,74 € ;
— que s'il est constant qu'elle a procédé à une réorganisation du réseau « feeders » il n'en est résulté pour la société SNTA aucun préjudice ;
— qu'à la suite de l'avarie du navire REECON EMRE ayant empêché le transport des deux conteneurs CMAU 5448780 et CMAU1933216 expédiés par la société SNTA, elle s'est acquittée du règlement des factures émises par la société d'aconage SAMR ;
— qu'elle n'a facturé aucun frais de détention en cas de retard de navire ;
— qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable ou dolosive dans le cadre de l'exécution des contrats de transport.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2018.
*********
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les parties au contrat de transport et la charge du paiement des frais de détention des
conteneurs :
En application de l'article L 5422-1 du code des transports, par le contrat maritime le chargeur s'engage à payer un fret déterminé et le transporteur à acheminer une marchandise déterminée d'un port à un autre.
Le connaissement permet d'établir la preuve du contrat de transport maritime et de déterminer par ses mentions l'identité des parties au contrat.
En l'espèce la société CMA CGM produit les connaissements ayant donné lieu à la facturation des frais de détention -surestaries dont le paiement est sollicité. Ces connaissements indiquent que le chargeur est la société SNTA. Le contrat de transport a donc été conclu entre la société CMA CGM et la société SNTA.
Or à moins qu'elle ne fasse l'objet d'une convention distincte du contrat de transport, la mise à disposition de conteneurs par le transporteur maritime qui concourt à l'acheminement de la marchandise constitue l'exécution d'une obligation accessoire de ce contrat.
Le paiement des frais de détention ' surestarie éventuels incombe donc au contractant du transporteur maritime en l'espèce la société SNTA.
Sur la demande en paiement
La CMA CGM produit aux débats les connaissements correspondant aux frais de détention de conteneurs facturés.
Il ressort des courriels échangés entre les parties que la société SNTA, qui est en relations d'affaires avec la société CMA CGM était informée de la facturation des frais de détention et du tarif applicable pour l'année 2015 applicable jusqu'au mois 1er avril 2016 (pièces 3, 11 intimée) .
Les factures produites correspondent à des frais de détention facturés entre le mois de juillet 2015 et le mois de mars 2016.
La société SNTA qui soutient que des frais de détention lui ont été facturés alors que le transport avait été retardé du fait du transporteur n'en rapporte pas la preuve. Ainsi la réorganisation du réseau de « Feeders » dans l'océan indien à compter du 16 décembre 2016 est sans incidence sur les factures dont le paiement est sollicité, lesquelles sont antérieures.
S'agissant de deux conteneurs CMAU 5448780 et CMAU1933216 mis à quai le 10 décembre 2015 et dont le transport a été retardé à la suite de l'avarie du navire REECON EMRE la société CMA CGM a pris à sa charge les factures émises par la société d'aconage SAMR et en justifie.
Les factures émise par la société CMA CGM étaient donc dues. Eu égard aux paiements intervenus et non contestés le montant de la créance s'élève sur le fondement des pièces produites à la somme de 19 399,13 €.
Sur la demande reconventionnelle en paiement
La société SNTA a émis des factures à l'ordre de la société CMA CGM correspondant au remboursement de frais de magasinage réglés à la société d'acconage SAMR.
Il n'est pas justifié que les frais de magasinage correspondant aux factures produites ont pour origine une défaillance de la société CMA CGM dans l'exécution du contrat de transport et notamment un retard dans l'acheminement des conteneurs.
La société SNTA doit être déboutée de ce chef.
Il résulte de ces motifs que la décision entreprise sera confirmée.
Sur les demandes accessoires
La société SNTA qui succombe sera tenue aux entiers dépens.
L'équité commande d'allouer à la société CMA CGM qui a dû exposer des frais irrepetibles une somme de 1500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement , en matière commerciale et en dernier
ressort, par mise à disposition au Greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du Code de
procédure civile,
CONFIRME la décision entreprise ;
CONDAMNE la société SNTA à verser à la Société CMA CGM une somme de 1500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société SNTA aux dépens de la procédure d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Fabienne KARROUZ, Conseillère, et par Madame
Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE